Commando Culotte : les dessous du genre et de la pop culture
Cet été, j’ai eu l’immense chance de recevoir un colis de livres des Ponctuelles, suite au concours organisé dans le cadre de leur Bookclub féministe.
La rentrée a été plutôt chargée (en activités et en émotions), du coup, je n’ai pas pu terminer les lectures et participer aux lives instagram du Bookclub dans les temps. Je me suis cependant promis de publier sur le blog une petite fiche de lecture sur chacun des livres gagnés.
*(promis, ils seront lus en 2020 et ne prendront pas la poussière dans ma bibliothèque !)
L’un des petits bijoux ayant atterri dans ma boite aux lettres est « Commando Culotte, les dessous du genre et de la pop culture », de Mirion Malle. Je connaissais déjà Mirion Malle grâce à son roman graphique « C’est comme ça que je disparais », que j’avais lu au mois d’août (et dont je vous parlerai probablement sur le blog bientôt).
J’avais aussi beaucoup entendu parler de Commando Culotte, et j’étais très curieuse de le lire, en particulier car cette BD parle de l’un de mes sujets de prédilection : les médias.
Je suis personnellement une grosse consommatrice de pop culture, en particulier sur écran. J’ai un abonnement UGC Unlimited, Netflix, et même Disney+. Je collectionne des Funko Pop (ces petites figurines aux gros yeux à l’effigie de personnages de fiction). Je suis toujours à l’affut de la nouvelle série ou du nouveau film faisant un carton (pour vous donner un exemple : la première saison de Game Of Thrones ne m’avait que moyennement emballée, pourtant, j’ai persévéré, ne supportant pas de ne pas comprendre « la hype » autour de cet univers). J’aime analyser les productions médiatiques à la mode, et essayer de comprendre (parfois avec difficulté) pourquoi elles rencontrent tant de succès.
Du coup, il me fallait lire ce livre. Même si je ne l’avais pas gagné, je n’aurais pas pu passer à côté.
Pendant mes études en communication à l’IHECS, j’ai assisté à un cours de « cultural studies », qui a été pour moi une véritable révélation : les cultural studies (ou études culturelles) sont un courant de recherche d’origine anglophone mêlant sociologie, anthropologie culturelle et philosophie. Ce champ d’études analyse les relations entre cultures et pouvoir, en se concentrant en priorité sur les produits culturels populaires et/ou contestataires (je vous invite d’ailleurs à lire mon article « Prendre le temps de regarder des séries » dans lequel j’explique pourquoi les études culturelles sont passionnantes, mais aussi importantes !). Les études culturelles vous invitent à chausser de nouvelles lunettes (par exemple : les « lunettes du genre », mais aussi celles de la race, de la classe, du handicap…), et cela à chaque fois que l’on est confronté à un « produit » culturel (quel qu’il soit).
La BD « Commando Culotte » a une approche similaire et tape en plein dans le mille : elle analyse des séries TV et des films sous le prisme du genre. Chaque « production » médiatique transmet des valeurs et une vision du monde. Game of Thrones, What if, Love Actually, American Pie, Easy A, Legally Blonde… Plusieurs histoires vont passer sous la loupe de Mirion Malle.
Mon avis
Commando Culotte est comme une boîte à outils, à ressortir dès que l’on visionne un film ou une série. Mirion Malle explique de manière claire comment fonctionnent les « lunettes du genre », elle liste les questions à se poser pour évaluer la présence (ou non) des femmes (et autres minorités) dans les médias.
Il s’agit d’un exercice assez difficile et confrontant : la BD analyse et démantèle de nombreux films et séries très appréciées (par Mirion Malle elle-même, mais aussi par les lecteurs). Il est plutôt déplaisant de se faire mettre le nez dans le sexisme, racisme et validisme de nos sagas préférées. Après tout, il n’y a rien d’agréable à se rendre compte qu’un film qu’on croyait ouvert et progressiste ne l’est pas toujours tant que ça. Il faut être disposé à voir ses histoires préférées sévèrement critiquées en ouvrant ce livre (et je ne suis pas certaine que tout le monde soit prêt à ouvrir les yeux de la sorte).
Heureusement, Mirion décrypte tout cela avec humour : ses textes sont écrits dans un langage assez familier, les dessins un peu grossiers donnent un ton léger aux exposés. Également, elle ne condamne pas les spectateurs des œuvres qu’elle critique. Pas de moralisme dans ce livre ! Il n’est pas question de boycotter Game of Thrones, ni de se débarrasser de son DVD de Love Actually. L’objectif du livre est d’apprendre à regarder, à développer un esprit critique et à déceler les stéréotypes et autres « facilités » scénaristiques.
L’autrice nous invite à prendre conscience de l’impact des représentations médiatiques sur nos vies quotidiennes (manque d’ambition des petites filles, renforcement de la culture du viol, consolidation du mythe de la friendzone…).
Toutefois, Mirion Malle n’est pas que pessimiste. Elle donne aussi des pistes concrètes pour rendre les futures productions plus qualitatives. Par exemple, en encourageant des films ou des séries réalisées par des femmes, en diversifiant les personnages et les situations de vie représentées (par exemple : en présentant autre chose que des demoiselles en détresses, des femmes sexys et vulnérables, des superhéros ou des princes charmants virils et protecteurs). Ces recommandations, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne brident pas la créativité, mais au contraire l’éveillent : il s’agit d’agrandir le cadre, d’ouvrir les yeux, de faire preuve d’imagination, de proposer d’autres structures.
Les détracteurs criant au scandale lorsqu’on aborde la question du genre dans les médias me font d’ailleurs penser aux opposants à l’écriture inclusive. Ces détracteurs accusent les militantes de créer une nouvelle « novlangue ». Voilà qui est plutôt contradictoire : la novlangue a pour objectif de diminuer le nombre de mots d’une langue, et donc d’empêcher les gens de réfléchir, par manque de concepts (la langue structurant la pensée). Mirion Malle, tout comme les militantes pour l’écriture inclusive, ne propose pas de réduire le langage, de réduire les représentations possibles, mais au contraire de les ouvrir et de les diversifier ! Représenter la diversité, permettre à chacun de se reconnaître, de s’imaginer, de se projeter, ouvre en réalité la porte à de nouveaux mondes, de nouvelles images, de nouveaux possibles (que nous parlions de la langue ou des médias !).
Pour conclure, c’est un livre dont je parlerai autour de moi et que je conseillerai.
Seul bémol : le format n’est pas très accessible et les dessins parfois brouillons pourraient décourager certains lecteurs. Il est vrai qu’ici et là, la lecture est un peu fastidieuse. Commando Culotte n’est pas une BD « classique », c’est plutôt un gros patchwork de notes, de pensées et de gribouillis. Personnellement, j’adore ce style ! Mais je conçois qu’il ne convienne pas à tout le monde.
J’ai également été surprise par la sélection de séries/films présentés. je ne connaissais pas toutes les références, qui sont d’ailleurs exclusivement anglo-saxonnes (et plutôt américaines, peut-être parce que Mirion Malle vit au Canada).
Encore merci à Caroline et Charlotte pour ce cadeau !