Le choix du chômage a été fait parce qu’il sert notre système économique. Le but, c’est de transformer le plus possible les chômeurs en pauvres et en main d’œuvre taillable et corvéable à merci. C’est nécessaire au fonctionnement du système. S’il y avait le plein emploi, le rapport de force serait différent…
Le choix du chômage, de Pompidou à Macron, enquête sur les racines de la violence économique, est ouvrage extrêmement déprimant, complexe mais néanmoins nécessaire, surtout en ces temps politiques nauséabonds. En 288 pages de dessins noirs et blancs, Benoit Collombat et Damien Cuvillier reviennent sur l’histoire de la communauté économique européenne, de la monnaie unique, de l’Union… Un système qui a certes garanti une certaine paix en Europe pendant plus d’un demi-siècle, mais a fini par s’ériger en un véritable système d’oppression, qui, d’après l’analyse des auteurs, n’a plus grand chose de réellement démocratique.
Notre objectif, c’est d’essayer de retracer les moments de bascule historiques. Retrouver les pièces à conviction correspondant aux grands choix économiques.
Le choix du chômage
Je n’ai pas tout compris, il faut à mon sens de (très très) bonnes connaissances en économie pour saisir toute la complexité du propos (zéro vulgarisation, la forme « BD » complexifie même la lecture au lieu de la simplifier : trop de personnages publics difficilement identifiables -Debré, De Gaulle, Barre, Mauroy, Delors, Bérégovoy, Strauss-Kahn…-, trop d’alternances entre passé et présent, concepts économique techniques non explicités…).
Je ressors de cette lecture ardue quelques constats (vous m’excuserez d’avance pour les simplismes et raccourcis que je pourrais faire ici) :
- ce qui se passe aujourd’hui (montée de l’extrème droite, alliance entre finance « ordolibérale » et partis néofascites) était écrit (et dessiné, littéralement noir sur blanc, la BD ayant été publiée en 2021) ;
- L’économie a été érigée comme une science incontestable alors qu’elle est en réalité un dogme alimenté par une oligarchie qui n’a jamais assez de pouvoir et d’argent ;
- Le chômage, présenté en tout temps comme un maladie sans remède, contractée par les individus eux-mêmes, n’est pas une fatalité mais un choix conscient et orchestré par les institutions et par la finance ;
- Le monde d’après dont nous avons rêvé lors du COVID n’avait aucune chance d’advenir sans un réel rapport de force ;
- Les élites à la tête des institutions européennes préfèrent assister à un effondrement partiel du monde, pour finir par construire leur îlot sur des ruines, plutôt que renoncer à une partie de leur pouvoir ;
- Les élus « socialistes » n’ont pas seulement été impuissants, ils ont participé activement à l’édification de la finance comme empire tout-puissant, se retournant contre celleux qu’ils prétendaient défendre ;
- Les règles économiques imposées aux états (comme le déficit de maximum 3%) sont complètement arbitraires ;
- Le pouvoir politique est mort, la marge de manœuvre minime, la société étant organisée selon les marchés et non les marchés selon la société…
On referme le livre avec l’impression glaçante d’être face à un énorme monstre de fer qui écrase et broie tout sur son passage. Difficile de ne pas se sentir impuissant et profondément désarmé face à un tel édifice, si opaque, si froid, si hermétique… Les fondations s’effritent, nous approchons du climax et tout finira probablement par s’écrouler face aux défis actuels (incessamment sans peu ? à quel prix ?).
Nous savons maintenant qu’il est tout aussi dangereux que d’être gouverné par l’argent organisé que par le crime organisé.
La position des auteurs est claire et située, on y adhère ou pas… Dans tous les cas, on ne peut pas accuser la démonstration de manquer d’argumentation, d’exemples et de rigueur. Si mon bref résumé semble ici assez manichéen, l’ouvrage, quant à lui, montre bien la complexité du sujet. Les accusations sont sévères, pour autant, il ne s’agit pas d’un pamphlet anti-UE : au contraire, Collombat et Cuvililer dénoncent ici la manière dont ce projet, rassembleur et essentiel, à été perverti pour satisfaire les privilèges de quelques technocrates.
Dès lors : quelles conclusions faut-il en tirer ? Faut-il en finir avec l’Europe, comme le souhaitent d’ailleurs les partis d’extrême droite qui ont occupent pourtant une place de plus en plus importante à l’UE ? La scission est-elle le seul moyen de redonner son pouvoir d’action politique aux nations européennes ? A la fin de cette lecture, cette réponse simpliste semble séduisante…. Elle est pourtant dangereuse, surtout que des alternatives existent, faut-il un peu de volonté politique pour les imaginer et les mettre en place. L’ouvrage de Collombat ne s’attarde par sur les solutions, alternatives et les autres voix qui composent l’UE et s’élèvent pour changer les choses… dès lors, il me semble important de compléter cette lecture par celle d’autres livres & supports (comme les 4 excellents épisodes du podcast LSD : « Europe 1979 : un jeune parlement pour le vieux continent » sur France Culture).
Le coup de génie du capitalisme, c’est d’avoir transformé les précaires en consommateurs. Et ça explique à mon avis, pourquoi le système tient finalement très bien.
Pierre Édouard Magnan
Pour aller plus loin :
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