“Already I have grown too big to fit back into my old world.”
Deborah Feldman
Unorthodox est une mini-série diffusée sur Netflix en 2020. Il s’agit d’une série allemande de 4 épisodes de 55 minutes, créée par Anna Winfler et Alexa Karolinski.
Le format de la mini-série est un format qui me plait particulièrement : généralement composée de 2 à 13 épisodes, elles proposent souvent des histoires soignées, bien terminées, et sans fioritures. L’avantage de ce format est qu’il sait s’arrêter à temps (même s’il arrive, selon les mini-séries, d’avoir parfois un goût de trop peu). Ici, on ne tire pas sur l’élastique, c’est sobre et élégant. Sobre et élégant : deux qualités qui caractérisent également Unorthodox.
J’ai dévoré la série Unorthodox en une soirée, tant j’ai été hypnotisée par le talent de l’actrice principale, la grâce de certaines scènes et la profondeur de l’histoire. Cela mérite bien un article (de plus !) sur le sujet (la critique ayant déjà applaudi maintes fois ce petit bijou).
Résumé
La série Unorthodox est tirée d’une histoire vraie. Il s’agit d’une adaptation de la biographie de Deborah Feldman. L’auteure apparait dans la série sous les traits d’Esty, une jeune femme de 19 ans, issue d’une famille juive ultra-orthodoxe de Willamsburg, à Brooklyn. Après avoir appris qu’elle était enceinte, Etsy décide de s’enfuir à Berlin et de retrouver sa mère (ayant elle-même quitté la communauté des années plus tôt). Yanky, le mari d’Etsy, part à sa recherche.
Une série documentaire
Le premier intérêt de cette série est d’abord le sujet, plutôt méconnu et surtout très peu traité à la télévision : la communauté juive ultra-orthodoxe. Ma méconnaissance du sujet, avant de lancer le premier épisode, était quasi totale (et le peu de connaissances que j’avais, très stéréotypées). L’immersion dans la communauté hassidique se fait comme si on regardait un documentaire.
Fondée après-guerre par des survivants de l’holocauste originaires de Hongrie, nous découvrons, par les yeux d’Etsy, les règles strictes qui régissent la vie quotidienne des adeptes. Alors que les hommes étudient les textes sacrés, les femmes sont responsables de leur ménage et assignées à la reproduction.
Unorthodox dépeint une image des juifs hassidiques comme vivant dans une société hors du temps, coupée du monde extérieur. La série est cependant loin d’être réductrice et jugeante (du moins, je ne l’ai pas ressenti ainsi). Elle nous permet d’assister au meilleur comme au pire : la relation fusionnelle entre Etsy et sa grand-mère, les premiers échanges timides et doux entre Etsy et son mari, l’entraide communautaire, les fêtes et traditions joyeuses, le yiddish, les chants, les danses… Et, conjointement, la peur, l’étouffement, l’incompréhension.
La série alterne les scènes dans le présent (la vie d’Etsy à Berlin) et les flash-backs de sa vie d’avant. Le choc des cultures est violent (et peut-être un peu caricatural -le monde fermé de Williamsburg VS un Berlin idéalisé, presque fantasmé).
Cependant, dans un monde comme dans l’autre, les images sont belles, et le chemin que se trace Etsy vers la liberté est extrêmement inspirant -les spectateurs, aussi « libres » soient-ils, ne peuvent que vouloir s’inspirer de son parcours exaltant. Si frêle et si forte à la fois, l’héroïne porte sur ses épaules chétives des questions essentielles, auxquelles elle trouve des esquisse de réponses. Des questions sur la place de la femme (dans sa communauté et ailleurs), le poids des dogmes, et la transmission de la mémoire (et du traumatisme commun lié à la Shoah).
Mon avis
Attention ! Léger spoiler sous ce sous-titre. Je ne dévoile pas le déroulement de l’intrigue mais je parle d’un passage en particulier.
Unorthodox m’a donné des envies de liberté, mais aussi de tolérance. Liberté ne veut pas dire fuite : Etsy ne s’échappe pas, elle tente de rompre. Elle quitte sa communauté comme on quitte un partenaire toxique qu’on a pourtant aimé. Sa vie d’avant est dépeinte avec pudeur : avant de juger, on tente de comprendre. On s’intéresse au traumatisme, à la reconstruction, à la solidarité. La « rupture » se fait dignement, sans irrespect.
Certaines images sont particulièrement marquantes, d’une rare beauté très symbolique. Je pense par exemple au passage où Etsy plonge dans un lac à Berlin ; toute habillée, elle s’immerge, enlève sa perruque, et s’enfonce dans l’eau. La scène évoque un autre passage de sa vie d’avant, précédant son mariage, où elle s’immerge dans le « mikvé ». Le fait de s’immerger dans l’eau, est, dans les deux cas, un symbole de renaissance. A Berlin, elle le fait de son plein gré, et se réapproprie sa liberté.
Unorthodox est une série délicate et poétique. On peut bien sur lui faire quelques reproches : il y a quelques facilités scénaristiques. Assurément, les personnages secondaires sont parfois un peu simplistes (trop gentils ou trop méchants). Le monde « libre » auquel se familiarise Etsy peut paraître trop bienveillant, trop facile, trop tolérant. Point important également : même si le côté “stigmatisant” de la série n’a pas été perçu comme tel par la majorité des spectateurs, il semblerait que les réactions d’une partie de la communauté juive soient mitigées (la manière dont la communauté hassidique est representée serait perçue comme trop caricaturale).
Cependant, je pardonne aisément les quelques facilités scénaristiques (d’un point de vue purement narratif -ne connaissant pas assez le judaïsme pour me positionner sur le reste) : la performance céleste de Shira Haas (l’actrice qui joue Etsy), l’esthétique sans faute et l’essence de l’histoire (la liberté) en font l’une des meilleures séries produites par Netflix ces dernières années.
Pour aller plus loin :
- Le podcast Quoi de Meuf #88 — QDM de Poche — La série « Unorthodox » — Interview avec Deborah Feldman
- Le traumatisme de la Shoah se transmet génétiquement, selon une étude scientifique, sur HuffPost
Article rédigé par : Joséphine
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