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  • À temps perdu est un blog société et culture, né pendant le confinement de mars 2020. Sur ce blog, nous partageons des réflexions politiques et personnelles sur la manière dont on considère le temps et dont on l’occupe.

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Utopies réalistes de Rutger Bregman : débloquer l’avenir

21 March 2021

« Le mot utopia signifie à la fois bon lieu et aucun lieu. Ce qu’il nous faut, ce sont des horizons alternatifs qui déclenchent l’imagination. Et je dis bien horizons, au pluriel ; des utopies en conflit entre elles, voilà après tout le meilleur moyen d’insuffler la vie à la démocratie »

Je viens de terminer “Utopies réalistes”, publié en 2017 par Rutger Bregman, un historien néerlandais. Un livre acheté sur un coup de tête, lors d’un passage à la librairie Cook&Book.

La couverture ressemble à une pub Facebook putaclik, avec des slogans criards (« En finir avec la pauvreté », « la semaine de travail de 15 heures », « un monde sans frontières »).

Je peux imaginer quelques-uns de mes lecteurs grimacer rien qu’en lisant ces titres…

Je veux bien admettre que ces propositions peuvent paraître quelque peu extrêmes. Même à moi, elles m’ont semblé, au premier abord, alléchantes, mais illusoires. J’ai plongé ma tête la première dans ce livre comme s’il s’agissait d’un livre de contes de fée. Agréable, mais farfelu.

J’aimerais que les idées proposées Bregman se réalisent. Mais soyons honnêtes : j’y crois comme je crois aux citrouilles qui se transforment en carrosses (c’est-à-dire : pas trop).

Et donc, vous demandez-vous peut-être, ai-je changé d’avis après cette lecture ?

Et bien oui… et non à la fois. A vrai dire, le but de cet essai n’est pas de prouver par A + B + C que tout ce qui est présenté est scientifiquement possible et réaliste. Justement : l’auteur nous invite à sortir du scepticisme mou, et à aller au-delà des structures de notre réalité.

Le monde, aujourd’hui, n’est plus que pragmatisme, schémas, variantes et variables. Toute idée radicale sur un autre monde est presque impensable, et la politique n’est plus que gestion de problèmes à court terme (la crise actuelle illustre bien ce propos). Nous n’avons plus de réelles perspectives. Nous sommes bloqués dans un présent sans fin.

Pour Bregman, il est temps de donner à nouveau une place aux idées. Oui, les idées, ces choses abstraites qu’on traite avec dédain aujourd’hui, mais qui ont changé le monde hier (rendant des choses impensables possibles ; au hasard : le droit de vote des femmes).

Il est temps de trouver de nouvelles utopies, de construire de nouvelles croyances, d’ouvrir les portes de l’esprit.

« Si nous voulons changer le monde, il nous faut être irréalistes, déraisonnables et impossibles »

La mort des utopies

Le livre commence par une citation d’Oscar Wilde :

« Une carte du monde qui ne comprendrait pas l’Utopie ne serait même pas digne d’être regardée, car elle laisserait de côté le seul pays où l’Humanité vient toujours accoster. Et après y avoir accosté, elle regarde autour d’elle, et, ayant aperçu un pays meilleur, reprend la mer. Le Progrès est la réalisation des Utopies ».

Différentes pistes de réflexion sont proposées au fil des chapitres. Le livre commence par un état des faits : nos civilisations occidentales ont atteint un certain niveau de progrès, de confort et d’abondance. Nous produisons, mangeons, consommons, jetons, plus que jamais auparavant. Mais nous n’avons plus de perspectives.

L’auteur écrit : « Si l’on suit Oscar Wilde, une fois atteint le pays d’abondance, il nous faut une nouvelle fois fixer le regard sur l’horizon le plus lointain et hisser la voile. Le progrès, c’est la réalisation des utopies, disait Wilde. Mais l’horizon lointain reste vide. Le pays d’abondance est enveloppé de brouillard. Alors que nous devrions nous assigner pour tâche d’investir de sens cette existence riche, sûre et saine, nous avons enterré l’utopie. Il n’y a pas de nouveau rêve pour la remplacer, parce que nous ne pouvons imaginer de monde meilleur que le nôtre. En fait, dans les pays aisés, la plupart des gens croient que la vie de leurs enfants sera plus difficile que la leur. Mais la véritable crise de notre temps, de ma génération, n’est pas que nous n’avons pas la vie facile ou qu’elle risque de devenir plus dure. La véritable crise, c’est que nous n’avons plus rien à proposer ».

Bregman n’est pas en train de dire que tout le monde a la belle vie, et que le seul problème de notre civilisation est la morosité. Au contraire, il recense également les différents problèmes auxquels notre époque est confrontée : problèmes de santé mentale, inégalités financières, pauvreté…

Son propos est plutôt de dire que « le capitalisme a ouvert les portes du pays d’abondance, mais ne peut l’entretenir à lui seul ».

Un monde sans pauvreté

Dans la suite du livre, Bregman nous fait part de quelques-unes de ses propositions, l’une d’elle étant d’en finir avec la pauvreté (voilà qui est bien idéaliste, me diriez-vous).

Dans ce chapitre, l’auteur tient un propos hautement subversif par les temps qui courent. Il développe plusieurs idées :

  • tout le monde mérite de l’argent pour subvenir à ses besoins élémentaires
  • pouvoir répondre à ses besoins élémentaires ne devrait pas dépendre du revenu du travail
  • En finir avec la pauvreté coûterait fondamentalement moins cher que de soigner les symptômes de la pauvreté.

Pour étayer ses propos, il déconstruit un certain nombre de préjugés liés à l’argent, du style : les pauvres ne savent pas gérer leur argent, recevoir de l’argent sans contrepartie incite les gens à la paresse…

Il contre-argumente en s’appuyant sur des expériences de revenu de base menées à Londres auprès de sans-abris, dans des villages en Ouganda ou encore à Mincome au Canada.

Plus d’infos :

      • Tout preuve que nous devrions donner gratuitement de l’argent à tout le monde
      • Expérimentations locales : une voie pragmatique vers la mise en place du revenu universel ? de Stanislas Jourdan
      • Dauphin, ville pionnière du revenu minimum garanti, sur Radio-Canada
      • Kenya, les pionniers du revenu universel, Arte reportage

Les pauvres (qui dans l’imaginaire collectif sont peu cultivés, peu responsables, incapables de tenir un budget, de prendre soin de leur santé correctement) adoptent des comportement peu appropriés pour cette seule raison : ils n’ont pas d’argent, et ont un sentiment de rareté omniprésent, qui les empêche de penser sur le long terme. Leur « largeur de bande mentale » diminue, car (pré)occupée par des problèmes de la vie quotidienne (manger, boire, se loger, s’habiller).

Dès lors, les différentes expériences citées montrent que donner de l’argent aux gens pour subvenir à leurs besoins élémentaires (sans contrepartie) ne les invite pas à l’immobilisme, mais au contraire à l’action : dans la plupart les pays / villes / situations, les participants aux expériences ont peu ou pas diminué leur temps de travail. Ils ont économisé leur argent, et l’ont investi dans des formations, un logement, une alimentation de meilleure qualité… Bref, des investissements profitables sur le long terme.

« En plus de mesurer notre produit intérieur brut, il serait temps de prendre en considération aussi notre largeur de bande mentale intérieure brute. Plus la largeur de bande est importante, meilleure sont l’éducation des enfants, la santé, la productivité des employés… »

Réduire le temps de travail

Autre idée hautement subversive présentée dans ce livre : Bregman nous propose de faire de la réduction du temps de travail un objectif politique. Cette idée impensable à notre époque (où le travail est quasiment devenu une religion), n’est pourtant pas toute neuve : de Keynes à Marx, de Nixon à Franklin, en passant par Henry Ford, de nombreux penseurs, politiques et économistes ont prédit une réduction du temps de travail, inévitable face à la robotisation, l’accroissement des richesses, l’augmentation de la productivité et la diminution des emplois disponibles sur le marché du travail.

Bregman nous fait un bref exposé historique, démontrant que du Moyen-Âge aux années 80, le temps de travail a diminué partout en Occident… jusqu’à ce que la tendance s’inverse et « que la croissance économique ne se traduise plus par davantage de loisirs, mais par davantage de choses ».

L’idée selon laquelle réduire le temps de travail serait impossible car impayable revient sans cesse. Bergman tente de démontrer le contraire, en se basant sur des expériences menées par Ford, mais aussi par Kellogs ou Heats. Les résultats de ces expériences sont sans appel : la productivité ne baisse pas automatiquement quand le temps de travail baisse ; au contraire, il semblerait qu’elle augmente.

En dehors de la question de la productivité et de la rentabilité, une autre question se pose : celle de l’utilité du travail, du sens, de la répartition et de la valorisation des jobs réellement utiles à la société. Bergman prend l’exemple de la grève des éboueurs à New York en 1968, ayant transformé la ville en poubelle géante en moins d’une semaine, déclarant l’état d’urgence, versus la grève des banques en Irlande en 1970, ayant conduit les Irlandais à créer leur propre monnaie locale.

Un autre argument qui revient souvent pour contrer l’idée d’une réduction de temps de travail est l’idée que le temps libre dont disposeraient les gens pourrait être mal occupé. Et si nous finissions tous rivés à nos télévisions ? À cela, on répondra en citant Bertrand Russel :

« Puisque les hommes ne seront pas fatigués pendant leur temps libre, ils ne réclameront plus seulement des amusements passifs et insipides »

Un monde sans frontières

« Le monde est ouvert à tout, sauf aux personnes »

Aujourd’hui, les marchandises circulent plus librement entre pays que les gens ne peuvent le faire. Pourtant, l’auteur nous rappelle qu’il y a encore un siècle, les frontières mondiales étaient pourtant ouvertes. C’est la guerre qui poussa à signer les premiers accords sur l’usage des passeports en 1920.

Après avoir imaginé d’autres manières de vivre en occident, l’auteur termine son exposé sur un grand angle : le mal-être, le inquiétudes, les dysfonctionnement du pays d’abondance méritent notre attention, mais ils ne sont rien comparé à la pauvreté qui nous entoure : « au XIXème siècle, l’inégalité était affaire de classe. Aujourd’hui, c’est affaire de lieu (…) En pays d’abondance, le seuil de pauvreté est dix-sept fois plus élevé que dans les contrées situées hors du pays de Cocagne. Même ceux qui reçoivent des coupons alimentaires, aux Etats-Unis, vivent comme des princes, comparés aux plus pauvres du reste du monde ».

L’auteur prône donc pour l’ouverture totale des frontières, pour réduire les inégalités (cela de manière progressive, il n’est pas question de tout ouvrir en une fois). La migration serait en effet un outil puissant de lutte contre la pauvreté. Bregman cite : « d’après les scientifiques de la banque mondiale, si tous les pays développés laissaient entrer ne serait-ce que 3% de plus d’immigrés, les pauvres du monde entier auraient 305 milliards de dollars de plus à dépenser. Cela correspond à la somme totale de toutes les aides au développement, multipliées par 3 ».

Un livre (trop) accessible ?

Utopies réalistes est un livre accessible, qui se lit très vite. Il n’est pas nécessaire d’avoir des connaissances spécifiques en économie, en sociologie ou en sciences politiques pour s’atteler à cette lecture. On pourrait se dire que le propos est, par conséquent, trop simpliste, trop épuré.

J’ai moi-même été un peu frustrée par le développement de certaines propositions (par exemple, l’auteur parle d’une réduction collective du temps de travail, mais ne s’attarde pas sur les détails de la mise en place d’une telle mesure).

Le livre est une compilation d’idées ; c’est une grande peinture, celle d’un projet de société. C’est beau, c’est inspirant, et globalement, je suis convaincue par ce modèle. Cependant, mis à part le revenu de base (concept que l’auteur maîtrise le mieux, et auquel il apporte de nombreux arguments sous forme de statistiques et d’expérimentations), je ne suis pas plus convaincue du réalisme des propositions. Ce livre inspirera les convaincus, mais ne convaincra pas les sceptiques néolibéraux. Il ne contient pas non plus d’arguments qui déstabiliseront foncièrement ses détracteurs.

Dès lors, cet ouvrage n’est pas un guide, ni une analyse économique, ni un recensement de statistiques implacables. Il me semble que ce n’est d’ailleurs pas son ambition.

Il s’agit plutôt d’un manifeste. L’auteur invite ses lecteurs à se battre pour des convictions, à refaçonner la Politique, à imaginer de nouveaux possible, à repousser les limites. Si nous ne le faisons pas, d’autres le feront -et sont actuellement occupés à le faire – à notre place. Trump, Boris Johnson, Geert Wilders ou d’autres dirigeant de droite – voire d’extrème droite, ont bien compris comment repousser les limites de la radicalité (et l’utopie qu’ils nous promettent sera nettement moins enviable que celle envisagée par Bregman).

« Ce n’est pas une Utopie accomplie que nous devons désirer, mais un monde où l’imagination et l’espoir sont vivants et actifs »

Le dernier chapitre confirme que le but du livre est d’être résolument accessible et simple : Bregman termine son pamphlet en déplorant l’immobilisme du « socialisme perdant ». « De nombreux penseurs et politiciens de gauche cherchent à éteindre toute radicalité dans leurs propres rangs, terrifiés qu’ils sont à l’idée de perdre des voix. (…) Mais le plus grand problème des socialistes perdants, c’est qu’ils n’ont pas d’histoire à raconter, ni même de langue pour la raconter.  Et trop souvent, il semble que les gens de gauche aiment perdre. (…) Hélas, le socialisme perdant a oublié que l’histoire de la gauche devait être un récit d’espoir et de promesse. Le plus grand pêché de la gauche universitaire, c’est qu’elle est devenue fondamentalement aristocratique, qu’elle écrit dans un jargon bizarre qui complique de manière étourdissante des choses très simples. Ce dont nous avons besoin, c’est un récit qui parle à des millions de gens ordinaires ».

Dès lors, l’objectif est atteint : Bregman nous a partagé un récit accessible, qui ouvrira l’esprit de qui voudra le lire. Certains diront qu’il ne fait qu’enfoncer des portes ouvertes, et c’est peut-être vrai. En effet, les propositions restent relativement modérées (malgré les gros titres criards sur la couverture). Bregman semble penser qu’un autre monde est possible au sein du capitalisme (ce qui, aujourd’hui, n’est pas une proposition très radicale). Néanmoins, l’expression « enfoncer les portes ouvertes » n’est-elle pas éloquente ? Nous avons les clés, il suffit peut-être de passer d’une pièce à l’autre.

Ce livre ne cassera pas la baraque et ne brisera probablement pas les plafonds de verre, mais il nous permettra malgré tout de percevoir un petit morceau de ciel bleu.

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Joséphine
Joséphine
Bruxelloise. Poufsouffle. IHECS alumna (communication et médiation culturelle). Sujets de prédilection : médias, études de genre, pédagogie, sushis et cinéma.

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