Hunger, de Roxane Gay : la faim de (sur)vivre
Quatrième de couverture
« A l’âge de douze ans, j’ai été violée. Alors je me suis mise à manger pour m’enlaidir et repousser les hommes. Peu à peu, je me suis enfoncée dans une interminable routine : manger pour me protéger, me sentir seule, manger pour me réconforter, me détester, manger encore. J’ai longtemps lutté pour exister dans un monde conçu pour les minces. Jusqu’au jour où j’ai décidé de me réconcilier avec mon corps. »
L’auteure
Roxane Gay est née en 1974 aux Etats-Unis d’une famille haïtienne. Elle est auteure, éditrice mais aussi professeure d’université au Michigan. Après le succès international de Bad Feminist, elle nous livre avec Hunger le récit de sa vie de femme, le récit de son corps devenu obèse dans un monde qui la rappelle constamment à ce corps en même temps qu’il le rend invisible. Roxane Gay est également auteure de plusieurs romans dont An Untamed State, traduit en français sous le titre Treize Jours.
Mon avis
J’ai mis beaucoup de temps à acheter Hunger. Autant de temps, si pas plus, à le sortir de ma bibliothèque et à m’y plonger. Après un mémoire de master sur l’inceste et le rapport au corps des femmes en ayant été victimes, je commençais à avoir ma dose. Malgré tout le bien qu’on en disait, je ne trouvais pas la force de m’atteler un énième essai sur le sujet. Et pourtant… j’ai regretté de ne pas l’avoir ouvert plus tôt !
En quelques pages, Roxane Gay m’a captivée par son récit envoutant et intimiste. C’est bien simple je n’ai posé mon livre qu’en cas d’absolue nécessité. J’ai été dominée par deux sentiments tout au long de ma lecture : la reconnaissance et la honte. La reconnaissance envers l’auteure qui partage avec nous son intimité la plus profonde, qui elle est, comment elle en est arrivée là et comment elle évolue dans ce monde qui est tout sauf tendre. La honte parce qu’elle m’a mise face à mon propre regard plein de préjugés sur les corps et les personnes obèses. Et oui, cela me coûte de l’admettre.
Je pense être ouverte et non-jugeante mais je suis à chaque fois honteuse et surprise de constater à quel point je suis façonnée par des préjugés et stéréotypes. Heureusement que ce genre de récit me permet de me confronter à cet aveuglement. Heureusement que Roxane Gay a eu le courage d’écrire ce puissant texte féministe.
Un récit brûlant d’honnêteté
« Et il y a la façon dont des inconnus traitent mon corps. Dans les lieux publics, on me bouscule, comme si ma graisse me protégeait de la douleur, comme si je méritais de souffrir en punition. Les gens me marchent sur les pieds. Ils me frôlent, ils me heurtent. Ils me foncent dessus. Je suis extrêmement visible, mais on me traite régulièrement comme si j’étais invisible. Mon corps ne reçoit ni respect, ni considération, ni attention dans les lieux publics. On traite mon corps comme un lieu public. »
Roxane Gay raconte une histoire. Son histoire. En nous prenant par la main et en nous regardant bien droit dans les yeux. Ecoute ce que j’ai à te dire et ne te détourne pas, voilà ce qu’elle nous dit, voilà ce que j’entends. J’ai l’impression de la connaître, même si je ne l’ai jamais rencontrée. Les mots de Roxane Gay sont aussi simples qu’ils sont intenses.
« Il faut que vous sachiez que ma vie est coupée en deux, pas très proprement. Il y a l’avant et l’après. Avant que je prenne du poids. Après que j’ai pris du poids. Avant qu’on me viole. Après qu’on m’a violée. »
J’ai tellement de mal à choisir les extraits à vous partager. Tout le récit mérite d’être lu. Foncez.