La fin du confinement en mai a sonné la réouverture des cinémas. S’il y a bien une chose qui m’a manquée pendant ces longues (et courtes à la fois) semaines de lockdown, c’était les salles noires. Un gros manque de fauteuils qui craquent, d’écrans géants et d’odeur de popcorn.
J’adore aller au cinéma. J’aime y retrouver mes amies, manger un bout avant un film, partager nos impressions en sortant de la salle… J’aime aussi être « coincée » dans un siège pendant 2h, être « captive du film », forcée à être attentive, peu importe la qualité de ce que je regarde.
J’apprécie le fait de ne pas avoir de zappeur, de ne pas pouvoir mettre pause, de couper mon téléphone et de devoir (et de pouvoir) me consacrer à 100% à un film. Je ne regarde pas un film au cinéma comme je le regarde chez moi. Je m’y plonge totalement.
Depuis plus de 3 ans, je suis l’heureuse détentrice d’un pass UCG Unlimited. Pour 18,90euros par mois, j’ai droit au cinéma « à volonté ». Et autant dire que cette carte est (la plupart du temps) vite rentabilisée ! Lorsque je travaillais à mi-temps, ou que j’étais étudiante, il m’arrivait d’aller au cinéma 10 fois par mois. Aujourd’hui, je fais en sorte d’y aller minimum 2-3-4 fois par mois (ce qui rentabilise déjà le mois, l’entrée étant à presque 11 euros à l’UGC). Cette carte me donne la possibilité d’aller voir des films pour lesquels je n’aurai probablement pas acheté une place simple. J’ai découvert beaucoup de films grâce à cette carte, qui me permet une « spontanéité cinématographique » que je n’avais pas avant.
Seul petit bémol : le fait de soutenir exclusivement une grosse chaîne de cinéma. Il m’arrive de culpabiliser de ne pas soutenir plus de petites salles (surtout en cette période compliquée). Il m’arrive cependant d’aller au cinéma Wellington à Waterloo avec ma maman (qui n’aime pas le centre ville), ou au cinéma Vandôme pour certains films spécifiques (malgré mon abonnement).
Quand les salles de cinéma ont à nouveau ouvert leurs portes après cette période difficile, les couloirs étaient vides, les visages masqués, les salles désertées… Faute à la peur, aux prix (très probablement) et à l’affiche, plutôt maigre et peu enthousiasmante (peu de nouveautés, pas de « grosses » sorties). Depuis août cependant, le programme commence à se remplumer. Il y a de plus en plus de nouvelles sorties qui me font de l’œil. En tant que grosse consommatrice de cinéma, je suis officiellement retournée dans les salles, et j’ai réenclenché mon objectif d’aller voir au moins 2 films par mois.
Pour l’occasion, j’inaugure le chapitre « le temps d’un film » du blog, en vous partageant mes impressions des derniers films que j’ai été voir entre fin août et fin septembre : L’infirmière, Police, David Copperfield et Antoinette dans les Cévènnes.
(Promis, pour les prochaines critiques, je vous épargnerai tout le blabla “pourquoi j’aime le cinéma”).
L’infirmière – de Kôji Fukada
★★★☆☆
Fin août, je me prélassais au Périgord lors de vacances avec ma maman. Lorsque nous sommes dans la région, nous allons souvent voir des films au Buisson de Cadouin, au cinéma Lux. Ce petit cinéma a une excellente programmation et propose de nombreux films d’auteur étrangers très qualitatifs.
Nous avons donc été voir L’infirmière, un thriller franco-japonais de Kôji Fukada.
Ichiko est infirmière à domicile, elle travaille au sein d’une famille qui la considère comme un membre à part entière. Un jour, la cadette de la famille, une jeune adolescente, disparaît. Elle est rapidement retrouvée, mais a vécu des choses compliquées. Son kidnappeur fait partie de la famille d’Ichiko, qui est directement suspectée d’être complice. Rejetée, ostracisée et raillée, Ichiko voit les contours de sa vie se détricoter petit à petit.
Je n’avais encore jamais vu de film japonais avant celui-ci. Le visionnage de ce film était donc à la fois une expérience narrative et sensorielle tout à fait nouvelle pour moi : la manière dont les personnages interagissent, la langue, l’aspect épuré et pudique… C’est une atmosphère très singulière.
L’ambiance du film est particulièrement étrange, à la fois glaciale et malaisante. Le rythme est plutôt inégal. Les flashbacks, les hallucinations et le présent s’alternent. Certaines scènes sont extrêmement intenses et dérangeantes, alors que la plus grande partie du film se déroule dans le silence, l’histoire évoluant avec lenteur (et lourdeur !). Cette lenteur est manifestement délibérée, et fait du visionnage une épreuve mentale oppressante : on s’englue littéralement dans l’esprit ambigu et torturé d’Ichiko, personnage complexe que l’on n’arrivera jamais à cerner.
Le film est, selon moi, une fresque sociale avant d’être un thriller (il n’y a ni véritable enquête ni suspens). La manière dont Ichiko est répugnée et mise au ban du jour au lendemain est très violente : elle est poursuivie par une meute de journalistes intrusifs, est harcelée, s’empêtre dans la précarité, la solitude et l’amertume.
En pleine crise sanitaire, l’histoire fait également écho à la situation des aides familiales et aides-soignantes, au Japon, mais aussi ailleurs : les conditions de travail difficile, la dévotion, l’implication émotionnelle, la précarité, le manque de reconnaissance…
En bref, un film intéressant, qui sort de l’ordinaire, et que je suis contente d’avoir vu. Il m’a cependant laissé un sentiment de malaise. J’avoue également avoir été contente de voir arriver le générique de fin, la lenteur extrême de l’intrigue m’ayant un peu ennuyée.
Police – de Anne Fontaine
★★★★☆
Premier film vu en septembre : Police, un film de Anne Fontaine, avec Omar Sy, Virginie Efira et Gregory Gadebois.
Un film intriguant, sur un sujet controversé, avec un casting prometteur. J’avais entendu l’interview de Virginie Efira et Grégory Gadebois sur France Inter et j’avais vraiment été « teasée ».
Ne vous attendez pas à une enquête haletante, à des cascades ou des coups de feu. Ce film n’est pas un thriller policier enflammé ; il s’agit au contraire d’un film psychologique posant la question essentielle du choix et de l’autorité.
Dans Police, on suit un trio de policiers, Virginie, Erick et Aristide. La première partie du film est une partie « documentaire » : la réalisatrice dépeint le quotidien de ces travailleurs, en changeant régulièrement de point de vue. Elle « documente » la vie quotidienne de chaque flic, ses galères, ses angoisses, l’impact de ce métier énergivore sur la vie quotidienne et personnelle. Ici, il n’y a pas de parti pris, juste un regard pudique sur 3 personnages crédibles et réalistes.
Dans la deuxième partie du film, le trio se voit assigner en dernière minute une mission assez particulière qui va remettre en question leur engagement (et la notion même d’engagement) : ils doivent reconduire un homme sans-papiers à l’aéroport, pour que celui-ci soit ramené dans son pays d’origine. Lorsque Virginie découvre que retour au pays signifie grosso modo mise à mort, ses certitudes vacillent.
Le jeu d’acteur des 3 protagonistes est juste, sans pathos, sans exagération, très sobre (big up à Virginie Efira en particulier, qui incarne de manière convaincante les difficultés que peuvent rencontrer les femmes travaillant dans une institution aussi « viriliste » que la police : infantilisation, sexualisation, harcèlement…).
Le film est un concentré de silences, de tensions et de questionnements. Les moments de huis clos dans la voiture sont aussi puissants qu’ils sont longs et pesants : les caractères et les histoires de chaque personnage s’entrechoquent violemment, on les voit vaciller un à un, le stress est palpable.
Si le métier de policier n’est ni magnifié, ni cloué au pilori, ce qui est pointé du doigt plus sévèrement, ce sont les limites du système : obéir, jusqu’à quel point ? Les ordres sont-ils tous indiscutables ? Quel « ordre » maintenons-nous ? Quelle est la responsabilité individuelle de chaque individu dans les dynamiques sociétales (et dans ce cas, dans la gestion discutable de la crise migratoire) ?
Ainsi, dans cette histoire, chaque individu « fait son travail » : les policiers amènent l’homme à l’aéroport, les agents de douane et de sécurité s’assurent qu’ils montent dans l’avion… Chacun est un maillon de la chaine et participe à ce qu’on considère (par confort, et probablement par “auto-protection”) comme une « transaction », une « mission » indiscutable (« un ordre est un ordre », « on fait notre travail et on passe à autre chose », « c’est la procédure »).
Et si (policiers ou pas), selon nos professions et nos rôles dans la société, nous étions tous des maillons de la chaîne, alimentant un système que l’on sait problématique à bien à des égards ? Police laisse planer tous ces questionnements, sans jugement ni sentence.
En bref : Police est un film intimiste, qui parle des personnes derrière l’uniforme avec nuance et intelligence. Leurs difficultés, leurs doutes, leur engagement, leur humanité, sont dépeintes avec la même précision que leurs ambivalences et leurs contradictions. On pourra cependant reprocher au film quelques maladresses (les questionnements restent (trop ?) en surface) et un dénouement malheureusement un peu simpliste (et peu réaliste). Le positionnement du film est également un peu tiède -cette tiédeur rend cependant le récit accessible et recevable par le grand public, faisant de cette histoire une bonne « porte d’entrée » pour sensibiliser aux questions de l’autorité et de ses limites.
The Personal History of David Copperfield – d’Armando Iannucci
★★★☆☆
Dans un style beaucoup plus léger et « feel good », j’ai également été voir « The Personal History of David Copperfield ». Il s’agit de l’une des nombreuses adaptations du livre de Charles Dickens, David Copperfield, imaginée cette fois par le réalisateur de « La mort de Staline ».
J’ai été voir ce film sans avoir beaucoup d’attentes. À vrai dire, je n’avais même pas regardé la bande-annonce. J’ai plutôt été intriguée par les affiches hautes en couleur, présentant un casting prometteur : Dev Patel (ayant joué dans Lion et Slumdog Millionaire -énorme crush !), Hugh Laurie (Dr House), Tidla Swinton (the ancient one dans Doctor Strange, ou la Sorcière Blanche dans Narnia), Gwendoline Christie (aka Brienne la Queen dans GoT)… Bref, un bon cru qui laisse imaginer que le film sera, d’une manière ou d’une autre, au moins satisfaisant.
L’histoire est celle de David Copperfield, un jeune garçon élevé par une mère d’abord célibataire dont il est séparé assez vite, son nouveau beau-père acariâtre l’envoyant à Londres pour travailler dans un entrepôt de vin où il nettoie des bouteilles. Très vite, il apprend le décès de sa mère. Le film, adapté du livre, raconte la jeunesse de David, ses rencontres, ses aventures au sein de la Grande-Bretagne Victorienne, qui le mèneront à devenir écrivain.
Je me suis laissée envoûtée par le style du film, très poétique et « pince-sans-rire ». La mise en scène est théâtrale, à tel point qu’on en oublie presque que l’on est au cinéma, et pas devant une scène de spectacle. Les souvenirs David Copperfield nous sont présentés comme tels, par ses yeux d’enfant : ils regorgent de magie et de facétie. Le voyage dans lequel nous emporte Iannucci émerveille, il nous emmène au bord de mer, dans un vieux pensionnat en ruine ou dans les rues de Londres, à la rencontre de personnages hauts en couleur : les Peggotys dans leur péniche bancale, la famille Micawbers, tirant le diable par la queue avec malice et optimisme, Mr Dick, qui se libère de ses pensées en les faisant voler sur un cerf-volant…
Toute cette histoire est contée avec esprit, dans un univers où rien n’est laissé au hasard : ni les décors, ni les costumes. Le film est un délice pour les yeux, c’est une explosion de couleurs envoûtantes. L’on est certes loin du Londres sordide et crasseux dépeint par Dickens dans son livre…
Les thématiques, plutôt dramatiques (la mort, l’abandon, la pauvreté), sont abordées avec humour (un humour qui n’est pas pour autant déplacé). Le parti pris est clair : ici, on ne s’apitoie pas, on rebondit (et, à l’occasion, on dénonce, toujours avec un ton ironique et un brin frondeur). C’est peut-être l’un des seuls reproches que l’on peut faire au film : cette légèreté à tout prix qui ne permet pas de traiter avec profondeur certaines problématiques, dont le traitement est important. Si l’intonation n’était pas si légère, on pourrait presque parler de cette œuvre comme d’une fresque sociale engagée, portée par un casting lui-même assez inclusif (le choix de Dev Patel, britannico-indien, pour jouer David Copperfield, a d’ailleurs “étonné” la critique).
Cependant, il se trouve que l’objectif du film n’est manifestement pas de poser des questions politiques, mais d’être « tout public ». Le but est de susciter de l’espoir, de développer l’imagination et de faire sourire. Dans cette optique, il est certain que Iannucci a atteint sa cible !
Antoinette dans les Cévennes – de Caroline Vignal
★★★★☆
Antoinette dans les Cévennes raconte l’histoire d’Antoinette, une jeune institutrice qui attend avec impatience l’été pour partir en vacances avec son amant. Quand celui-ci annule leur séjour en amoureux pour partir avec sa femme et sa fille dans les Cévennes, Antoinette se lance à sa poursuite en réservant elle aussi une randonnée à dos d’âne de plusieurs jours.
J’ai été voir ce film sans avoir d’attentes particulières. À vrai dire, mes attentes étaient mêmes plutôt basses : ça sentait à plein nez la comédie romantique française un peu facile et, disons-le, un peu sexiste (l’histoire de la nana qui poursuit son mec jusqu’à dans les montagnes, ça laisse présager un film par super féministe). Et pourtant : je suis ressortie de la salle tout à fait ravie (à quelques détails près). Antoinette dans les Cévennes est un film amusant et frais, et je dirais même, plutôt émancipateur. Peut-être parce qu’il est réalisé par une femme ? Il propose en tout cas un point de vue rafraîchissant.
Le film doit en partie sa réussite à la prestation très juste et pétillante de l’actrice Laure Calamy (ayant également joué dans la série Dix pour cent -qui fait partie des quelques séries françaises réussies que je vous recommande). Son naturel, son autodérision et sa spontanéité font d’Antoinette un personnage qu’on ne peut qu’aimer. Au fil du film, on la suit dans son voyage qui est plus qu’une simple randonnée dans les montagnes. Il s’agit d’un véritable voyage introspectif duquel elle sortira grandie et libérée.
L’histoire est contée avec simplicité, entrecoupée par quelques moments plutôt poétiques et surréalistes. Pendant son parcours compliqué avec son âne Patrick, Antoinette fait plusieurs rencontres, presque toujours bienveillantes, la soutenant dans son périple. L’histoire de base (la maîtresse qui poursuit son amant) s’efface vite, passe au second plan (voire au dernier) et se transforme en une histoire d’amitié très forte entre Antoinette et Patrick, son âne, qui devient vite un confident et le personnage principal du film, au même titre que la protagoniste. Les situations cocasses s’enchaînent et on ne peut que rire devant la relation compliquée, mais tendre qui s’établit entre Antoinette et son compagnon de route.
Caroline Vignal nous dresse un portrait de femme poétique et subtil. Antoinette est à la fois forte (elle grimpe une centaine de kilomètres en montagne sans entraînement préalable !), tout en étant douce, déterminée, drôle, maladroite et sensible. Le regard que le spectateur est invité à poser sur elle est sans jugement : elle n’est pas trainée dans la boue comme étant « une voleuse de mari » (même si certains personnages, naturellement, l’insinuent), mais plutôt présentée comme une femme qui se libère d’une emprise, et qui se redresse, fière et résolue.
En bref : Antoinette dans les Cévennes est un film attendrissant et sans prétention, m’ayant donné envie de suivre de plus près la carrière de Laure Calamy.
Seul petit bémol : les dernières minutes du film (que je ne divulguerai pas) auraient pu prendre une autre direction, elles mettent, à mon sens, un terme au périple libérateur d’Antoinette (qui, selon moi, aurait pu continuer, même hors cadre).
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