“To truly love another person is to accept that the work
of loving them is worth the pain of losing them.”
En plein mois d’octobre, alors que les jours raccourcissaient et que le froid s’installait, j’ai dévoré en une petite semaine la série « The Haunting of Bly Manor » sur Netflix.
Petite sœur de « The Haunting of Hill House », cette saison a brisé mon petit cœur tout mou sans la moindre pitié.
En 9 épisodes, nous découvrons l’histoire de Dani, une jeune nounou américaine, qui est engagée comme fille au pair pour s’occuper de deux orphelins, Miles et Flora. Elle emménage à plein temps à Bly Manor, une gigantesque maison pleine de secrets, et de potentiels fantômes.
Il s’agit d’une adaptation du roman gothique Le Tour d’écrou de Henry James, qui a d’ailleurs déjà été adapté plusieurs fois au cinéma.
Il s’agit d’une série anthologique : les personnes n’ayant pas vu The Haunting of Hill House peuvent tout à fait regarder the Haunting of Bly Manor en premier. Si les saisons se rejoignent par leur thématique, les histoires sont complètement différentes. Au début de la nouvelle saison, un tout nouveau récit commence et certains acteurs réapparaissent, incarnant de nouveaux personnages.
Ce format peut être un peu perturbant de prime abord. Pour ma part, je trouve cela plutôt inventif : j’adore voir les acteurs se plonger dans d’autres rôles. Dans le même style, j’avais adoré les premières saisons d’American Horror Story, dans lesquelles Evan Peeters, Sarah Paulson et Jessica Lange sautent d’un protagoniste à l’autre avec habilité saison après saison.
Voici donc cinq bonnes raisons d’allumer Netflix, de scroller dans votre catalogue et de vous arrêter sur Bly Manor (promis, j’évite au maximum les spoilers) :
1. The Haunting of Bly Manor ne se contente pas de faire peur
Ceux qui me lisent ici et qui me connaissent savent que je suis une énorme flippette. Concrètement : j’ai peur de tout (oui oui, je vous jure, de tout).
J’ai une imagination débordante qui m’empêche de regarder le moindre film d’horreur, sous peine de faire des cauchemars pendant deux semaines. Paradoxalement, j’ai parfois envie de tester mes limites. De temps en temps, il m’arrive de visionner un film d’épouvante. Généralement, je le regrette assez vite (souvent le soir même, quand je n’ose même plus sortir de ma chambre pour aller aux toilettes… quand je vous dis que je suis une poule mouillée).
Il y a deux ans, un peu avant Halloween, j’ai regardé la série « The Haunting of Hill House », histoire de me mettre dans l’ambiance. J’ai fermé les yeux plusieurs fois, et j’ai poussé quelques cris apeurés. J’ai même jeté des coups d’œil inquiets derrière mon épaule pendant plusieurs jours après avoir terminé le dernier épisode. Mais je peux vous assurer que je ne l’ai pas regretté. C’était profond, dur, beau et déchirant à la fois.
Quand j’ai appris en octobre qu’une nouvelle saison de cette merveilleuse série allait sortir cette année, je trépignais déjà d’impatience. Et je n’ai pas été déçue : j’ai eu quelques frissons, mais pas seulement des frissons d’effroi. Les personnages, si humains, si crédibles, m’ont surtout beaucoup émue.
Bien sûr, si vous êtes en attente de screamers, de sang et de boyaux, vous ne trouverez probablement pas votre bonheur devant Bly Manor. Si le résumé de la saison laisse imaginer une histoire sordide de babysitter martyrisée et égorgée par des fantômes et/ou des enfants démoniaques, là n’est pas le vrai fil rouge de l’histoire (pas tout à fait).
The Haunting of Bly Manor vous fera ressentir des sentiments bien plus profonds et constructifs que cette émotion « primaire » qu’est la peur. Les fantômes ne se contenteront pas de vous faire hurler d’effroi : ils prendront possession de vous, se logeront dans votre poitrine, trouveront une place derrière vos paupières. Ils n’ont pas pour but de vous épouvanter, ils veulent juste être compris et se sentir moins seuls.
2. Bly Manor nous oblige à prendre le temps
(Et ouais, on est dans le thème du blog !)
Beaucoup ont reproché à cette saison d’être trop lente, trop descriptive, sans vrais rebondissements. Personnellement, parfois, j’aime bien la lenteur. J’aime être dans la contemplation.
Ici, pas de cliffhanger de fou, pas de bombe qui explose à la dernière seconde de chaque épisode. On ne rebondit pas dans tous les sens, au contraire, on s’imprègne. C’est un conte poétique et doux dont l’intérêt n’est pas l’action mais le fond.
C’est long. Un peu comme une perfusion intraveineuse. On ne sent pas tout de suite les effets de ce qu’on nous injecte, et pourtant après quelques heures, les fantômes ont pénétré, les souvenirs nous imprègnent enfin, on se sent tout retourné.
3. L’esthétique est parfaite
Une nouvelle fois, la série nous plonge dans une ambiance à la fois angoissante et doucement mélancolique. L’effroi est certes en arrière-plan (littéralement : on voit parfois passer l’ombre d’un spectre, presque imperceptible), prêtant le devant de la scène aux bouillons d’émotions des différents personnages.
Les personnages sont incarnés à merveille par les acteurs, qui se fondent dans le décor : ils habitent pleinement Bly Manor. Malgré la noirceur du décor (on se trouve quand même dans une maison hantée), il y a un éclat joyeux et doux dans le cadrage et la mise en scène.
Cette saison est un grand tableau de famille, le portrait d’une famille qui se (re)construit, petit à petit.
4. Victoria Pedretti
Dois-je vraiment développer ce point ? Victoria Pedretti avait déjà sa place dans The Haunting of Hill House, dans laquelle elle interprète le personnage de Nell. Elle y était déjà brillante.
Dans les yeux ronds de Victoria Pedretti, c’est toutes ses émotions qui défilent. Qu’elle joue Nell ou Dani. C’est la sincérité, les inquiétudes, l’exaltation, la peur, le désespoir, qu’on voit briller dans ses pupilles. Son sourire si singulier (avec ses dents un peu trop grandes) est capable d’allumer et d’éteindre les lumières (oui, vous l’avez compris, j’ai un petit crush).
(Bon, bien sûr, je parle de Hill House, pas du personnage de Love qu’elle incarne avec talent dans la série You, qui casse un peu son image de petite elfe perdue et romantique. J’imagine que si vous n’avez vu que You, vous trouvez le paragraphe précédent un peu inquiétant).
5. Une histoire d’amour qui sonne vrai
(ATTENTION POTENTIEL SPOILER)
Vous l’avez compris : ce qui importe dans Hill House, c’est les personnages, leurs souvenirs, leurs histoires, et les relations qui les lient. Et ces relations sont vraiment très bien écrites. Elles ne sont ni stéréotypées ni forcées.
Même si the Haunting of Bly Manor n’est pas une série queer éclatante (comme peuvent l’être celles de Ryan Murphy), The Haunting of Bly Manor remporte, selon moi, un award pour représentation d’un couple lesbien dont les contours sont tout sauf forcés. Il n’est pas question ici d’obtenir une gommette « gay friendly ». Cette fois, Netflix n’a même pas communiqué sur l’aspect « queer » pour séduire une partie de son public.
L’histoire d’amour entre deux femmes est présentée pour ce qu’elle est : une histoire d’amour. Une rencontre, un coup de foudre, une solidarité sans faille qui se construit. Elle n’est pas exposée comme « la relation gay de la série » mais comme « une relation », une histoire parmi les autres histoires ; un coup de foudre parmi les coups de foudre.
Alors certes, cette idylle a une portée particulière : l’orientation sexuelle, les relations antérieures de ces femmes font partie de leur récit de vie. Mais l’histoire ne tourne pas autour d’un coming out. Leur rencontre amoureuse est traitée comme un chapitre, un enchaînement de faits logiques (je ne dénigre pas pour autant les séries qui mettent en avant le coming out, entendez-moi bien !). Ce format qui ne présente pas les amours gays comme des évènements exceptionnels participent aussi, à leur manière, à normaliser les relations autres que hétérosexuelles dans la pop culture.
Certains membres de la communauté queer ont cependant moyennement apprécié la fin tragique de cette histoire, qui semble être un scénario assez classique qu’on colle aux couples gays dans la fiction. C’est ce qu’on appelle plus communément le phénomène “Bury your gays”, selon lequel les personnages fictionnels queer ont souvent tendance à finir tués ou humiliés sans cérémonie, tombant aux oubliettes.
Personnellement, j’adore les histoires d’amour maudites, qui finissent mal. C’est mon petit côté tragique/rabat-joie (j‘avais d’ailleurs adoré le film La la land pour cette raison). Le destin du couple phare de Bly Manor est, je dois l’admettre, particulièrement déchirant. J’ai presque versé quelques larmes, de joie, pour leur bonheur, puis de tristesse, pour leur sacrifice. J’adore avoir le cœur brisé de la sorte, me faire de faux espoirs. J’ai trouvé ce récit terriblement émouvant, et j’ai ressenti le respect et l’amour profond que porte le réalisateur, Mike Flannagan, à ses personnages. Il ne se contente pas d’arracher la page et de les jeter à la poubelle : il les célèbre et il leur rend hommage.
Cependant, j’attends en effet plus de séries représentant des couples de même sexe vivre des Happy Ending (je pense à Sense8 et Holywood mais j’avoue que pour le reste, je sèche!).
Apprendre à vivre avec ses fantômes
The Haunting of Bly Manor nous apprend donc à vivre avec nos fantômes. À les aimer. À nous en détacher, sans remords. À faire nos deuils. Certes, on sursaute moins que dans le premier opus. Mais on est confrontés à des questions plus profondes, plus philosophiques.
Alors que dans Hill House, les personnages étaient traumatisés à cause des spectres, dans Bly Manor, les spectres refont surface en se nourrissant des blessures des personnages. La saison nous offre un regard à la fois effrayant et doux sur la mort et invite à panser ses plaies. Go watch it !
Pour aller plus loin :
No, the Haunting of bly manor is not “bury your gays”, Catherine Palmers
On “Bury your gays” and why you shouldnt be mad at Mike Flanagan, Logan Ashley
La Tour d’écrou d’après Henry James, France Culture
2 Comments
Ton article m’a donné envie de découvrir cette série 🙂
Merci Alexandra ! Tu me diras ce que tu en penses si tu la regardes 🙂